Une mission de l'ONU est arrivée dimanche au Haut-Karabakh, pour la première fois en trois décennies, a annoncé l'Azerbaïdjan, au moment où la majorité de la population arménienne locale a quitté l'enclave après sa reprise par Bakou.
Un porte-parole de la présidence azerbaïdjanaise a indiqué à l'AFP que la mission de l'ONU était arrivée "dimanche matin" avec pour tâche principale d'évaluer les besoins humanitaires sur place.
Cette mission s'est rendue sur un point de contrôle à la frontière entre le Haut-Karabakh et l'Arménie, a précisé en fin de journée un porte-parole du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères. Il a précisé que la mission, dirigée par Vladanka Andreeva, coordinatrice résidente de l'ONU en Azerbaïdjan, devait tenir une conférence de presse lundi.
De son côté, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a annoncé qu'elle se rendrait mardi en Arménie pour "réaffirmer le soutien de la France à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Arménie".
Paris avait déploré que l'Azerbaïdjan n'ait consenti à la mission de l'ONU qu'après l'exode massif des Arméniens. Les séparatistes arméniens, qui ont contrôlé le Haut-Karabakh pendant trois décennies, après la dislocation de l'URSS, ont capitulé la semaine dernière, face à une offensive éclair de l'Azerbaïdjan qui a fait près de 600 morts dans son sillage.
Depuis, l'enclave a été désertée par ses habitants, avec plus de 100.000 réfugiés - sur les 120.000 habitants y vivant effectivement - ayant fui en Arménie par crainte de représailles de l'Azerbaïdjan, faisant craindre une crise humanitaire majeure.
"Faut que les gens vivent"
Dimanche, le poste-frontière entre l'Arménie et le Haut-Karabakh, situé sur le couloir de Latchine, la seule route qui relie les deux territoires, était désert, a constaté un journaliste de l'AFP. Sergueï Astsarian, 40 ans, est parmi les derniers à partir.
"La population qui a vécu ici depuis des siècles doit pouvoir y vivre, peu importe que ce soit des Arméniens ou d'autres ethnies. C'est pas correct d'expulser, par la force ou non", dit-il à l' AFP. Selon lui, le gouvernement azerbaïdjanais doit montrer concrètement que les populations arméniennes peuvent rester en sécurité dans l'enclave et pas seulement donner des "garanties verbales".
La présidence azerbaïdjanaise a annoncé dimanche qu'un service des migrations avait commencé à fonctionner dans la principale ville du Haut-Karabakh, Khankendi (Stepanakert en arménien) pour enregistrer les habitants restants et assurer "leur réinsertion durable" à la société azerbaïdjanaise.
Le gouvernement central a "également commencé à mettre en place les services médicaux appropriés" dans la ville, selon le communiqué. Nazeli Baghdasaryan, porte-parole du Premier ministre arménien, a de son côté indiqué que "le transfert des personnes déplacées de force touche à sa fin, avec 100.514 réfugiés arrivés en Arménie", dimanche soir.
Parmi eux, 47.322 se trouvent dans des logements fournis par l'Etat, à-elle ajoutée. La veille, l'ancien médiateur des droits du Haut-Karabakh, Artak Beglarian, a affirmé que seules "quelques centaines de fonctionnaires, d'urgentistes et de personnes ayant des besoins spéciaux" restaient sur place.
Dans leur fuite, au moins 170 personnes ont péri dans l'explosion lundi d'un dépôt de carburant, qui a également fait 349 blessés, la plupart souffrant de graves brûlures.
Jour de prière
L'Arménie, à majorité chrétienne, a pour sa part célébré dimanche un jour de prière pour le Haut-Karabakh. A Erevan, la cathédrale Saint-Sarkis était selon les fidèles habituellement pleine dimanche matin.
Le conflit au Haut-Karabakh "est juste de la politique, pas une histoire de religion : l'Azerbaïdjan est une dictature, du pétrole et du gaz et l'Europe n'a pas besoin de nous", a dit à l'AFP Ararat Havseian, un Irano-arménien. Dimanche, le pape François a lui appelé au "dialogue" entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie pour mettre fin à "la crise humanitaire", avec le soutien de la communauté internationale.
Le flux chaotique des réfugiés a ravi les accusations d'un "nettoyage ethnique" et Erevan a lancé un nouvel appel à la Cour internationale de justice (CIJ), réclamant des mesures urgentes pour protéger les habitants de l'enclave.
L'Azerbaïdjan réfute ces accusations et assure aux habitants de l'enclave qu'ils sont libres de partir ou de rester, a indiqué samedi à l'AFP Hikmet Hajiyev, un conseiller du président azerbaïdjanais.
"Nous nous abstenons préférentiellement de mettre des drapeaux azerbaïdjanais, nous savons qu'il reste des civils et nous connaissons leurs craintes", at-il déclaré.
Négociations la semaine prochaine
Des pourparlers entre officiels azerbaïdjanais et responsables arméniens de l'enclave sont prévus lundi à Stepanakert. Des négociations entre le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian sont également attendues jeudi à Grenade en Espagne, sous médiation occidentale, pour régler leurs différends historiques.
Les peurs des réfugiés sont nourries, selon Erevan, par une série d'"arrestations illégales", bien que les autorités azerbaïdjanaises se soient engagées à permettre de partir aux rebelles qui rendraient leurs armes. Plusieurs responsables de l'enclave ont été placés en détention, accusés de "terrorisme" et d'autres crimes.
Dimanche, le procureur général azerbaïdjanais, Kamran Aliev, a annoncé un enquêteur sur de possibles crimes de guerre commis par 300 responsables séparatistes qu'il a appelé à se rendre aux autorités.
La Rédaction (avec AFP)